En ces jours du temps pascal où nous célébrons la victoire de la Vie sur la mort, s’impose à moi la figure et la voix d’un témoin. Il est déjà venu à Sainte-Marie et c’est un fervent européen, grand ami de la France. Philosophe universitaire, l’ukrainien Constantin Sigov a fait le choix de rester à Kiev pour pouvoir témoigner.
Tandis que le pouvoir de Moscou persiste à travestir la réalité en parlant d’une « Opération militaire spéciale », lui ne manie pas les armes conventionnelles et n’a pas rejoint l’armée. Comme intellectuel, son engagement est d’un autre ordre : tant que l’électricité et internet arrivent à fonctionner, depuis la cave qui lui sert d’abri, il cherche à communiquer sans relâche, il se prodigue sur les ondes, en français comme en anglais, il écrit aussi, et il vient de publier une Lettre de Kiev aux éditions du Cerf à Paris. Sans cesse, il en appelle à la conscience de l’Europe et à son histoire.
Dans un article publié par La Vie, il cite Pascal dans les Provinciales : « Tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la vérité, et ne servent qu’à la relever davantage. » mais il poursuit : « À la différence de Pascal qui affirmait le triomphe de la vérité dans la suite de sa réflexion, nous ne pouvons nous permettre une telle assurance actuellement. » Constatant aujourd’hui encore en Russie une « culture de l’amnésie », il regrette qu’il n’y ait pas eu pour l’URSS un équivalent du procès de Nuremberg pour l’Allemagne et il interroge : « Les mass media russes sont devenus une arme de guerre. Peut-on arrêter cette guerre sans changer les mécanismes de diffusion du mensonge et de la violence ? »
Il y aurait de quoi désespérer mais l’engagement de cet homme de foi, lui permet d’affirmer avec force : « Nous redoutons le pire, nous assistons à des scènes d’enfer, mais nous savons que Pâques arrive et que l’empire du mal doit céder. »
Sabine Laplane, SFX - Abidjan, le 21 avril 2022